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Délit d’initié et droit au silence

Pénal - Procédure pénale
Affaires - Pénal des affaires
03/02/2021
La CJUE, dans un arrêt du 2 février 2021, a apporté des précisions concernant le droit au silence d’une personne soumise à une enquête administrative pour délit d’initié.
Résumé : une personne physique soumise à une enquête administrative pour délit d’initié a le droit de garder le silence lorsque ses réponses peuvent faire ressortir sa responsabilité pour une infraction passible de sanctions administratives présentant un caractère pénal ou sa responsabilité pénale. Néanmoins, ce droit ne saurait justifier tout défaut de coopération avec les autorités compétentes, comme le refus de se présenter à une audition.
 
En mai 2012, la commission nationale des sociétés et de la bourse italienne (Consob) a infligé au requérant deux sanctions pécuniaires pour une infraction administrative de délit d’initié commise en 2009. Une autre sanction lui a également été infligée pour défaut de coopération. L’intéressé, après avoir demandé le report à plusieurs reprises de la date de son audition en sa qualité de personne informée des faits, a refusé de répondre aux questions.
 
Après un rejet de son opposition contre ces sanctions, il forme un pourvoi en cassation. La Cour suprême italienne a adressé à la Cour constitutionnelle une question incidente de constitutionnalité portant sur le fondement de la sanction pour défaut de coopération. Concrètement, cette disposition « sanctionne le défaut d’obtempérer dans les délais aux demandes de la Consob ou le fait de retarder l’exercice des fonctions de surveillance de cet organisme, y compris en ce qui concerne la personne à laquelle la Consob, dans l’exercice de ces fonctions, reproche un délit d’initié ».
 
La Cour constitutionnelle note notamment que :
- les opération d’initié sont constitutives « à la fois d’une infraction administrative et d’une infraction pénale » ;
- la disposition contestée a été introduite dans l’ordre juridique italien en exécution d’une obligation spécifique imposée par l’article 14 de la directive 2003/6 et qu’elle constitue la mise en œuvre de l’article 30 du règlement n° 596/2014.
 
Elle interroge alors la Cour de justice de l’Union européenne sur la compatibilité de ces actes avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et particulièrement, les dispositions relatives au droit de garder de silence.
 
La Cour rappelle alors qu’à la lumière de la jurisprudence de la CEDH, le droit au silence est une norme « au cœur de la notion de procès équitable » qui permet d’assurer que « dans une affaire pénale, l’accusation fonde son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou la pression, au mépris de la volonté de l’accusé ». Ce droit s’oppose à ce qu’une personne physique « accusée » soit sanctionnée pour son refus de fournir à l’autorité compétence des réponses pouvant faire ressortir sa responsabilité pour une infraction passible de sanctions administratives à caractère pénal ou sa responsabilité pénale.
 
Néanmoins, « le droit au silence ne saurait justifier tout défaut de coopération avec les autorités compétentes, tel qu’un refus de se présenter à une audition prévue par celles-ci ou des manœuvres dilatoires visant à en reporter la tenue ».
 
La CJUE note également que les dispositions de la directive 2003/6 et du règlement n° 596/2014 se prêtent à une interprétation conforme aux articles de la Charte relatifs au droit au silence, en ce qu’il n’exige pas « qu’une personne physique soit sanctionnée pour son refus de fournir à l’autorité compétente des réponses dont pourrait ressortir sa responsabilité pour une infraction passible de sanctions administratives présentant un caractère pénal ou sa responsabilité pénale ». En effet, l’absence d’exclusion explicite de l’infliction d’une sanction pour un tel refus ne saurait affecter leur validité.
 
La Cour conclut : les États membres doivent s’assurer qu’une personne physique n’est pas sanctionnée pour son refus de fournir de telles réponses à l’autorité.
 
 
 
Source : Actualités du droit