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La difficile invocation de la condition potestative dans un pacte d’actionnaires

Civil - Contrat
01/10/2021
La clause insérée dans un pacte d’actionnaires imposant au mandataire révoqué de céder ses actions est valide, la condition de la révocation n’étant pas potestative.
La société H., désireuse de se rapprocher d’un partenaire financier et d'augmenter sa participation dans le capital de la société E., acquiert des actions de Mme B., présidente de la société E., réduisant la participation de celle-ci de 30 % à 5 %. Cette cession est conclue en vertu d'un protocole d'accord du 8 décembre 2006 suivie, le même jour, de la signature d’un pacte d'actionnaire minoritaire dans lequel Mme B. s’engage à lui céder également la totalité de ses actions et valeurs mobilières. Est créée, le 19 novembre 2006, une société qui procède, le 19 janvier 2007, à une augmentation réservée de son capital social en contrepartie de l'apport en nature d'actions de la société H.
 
En décembre 2009, Mme B. est révoquée pour juste motif par l'assemblée générale des actionnaires de la société E. Elle estime avoir été victime de manœuvres dolosives de la part de la société H. lors de la cession de ses titres en 2006, au motif que l'opération effectivement réalisée lui avait été dissimulée. Elle soutient que la promesse de cession de ses actions est affectée d'une condition potestative, son engagement de céder ses actions et valeurs mobilières dépendant tant de la société H. dans le cas d’une révocation, que d’elle-même, en cas de démission. Elle demande l'annulation du protocole d'accord et du pacte d'actionnaire minoritaire conclus, ainsi que le paiement de dommages-intérêts.
 
La cour d’appel rejette sa demande d'annulation de l’article 5 du pacte minoritaire ainsi que sa demande en paiement de dommages-intérêts. Mme B. se pourvoit en cassation, invoquant la violation des articles 1170 et 1174 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016.
 
La Cour de cassation rejette également l’argument de la potestativité. Elle rappelle qu’aux termes de l'article 1170 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, « la condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher ». Elle ajoute que « ne revêt pas un caractère potestatif une condition dont la réalisation dépend, non de la seule volonté du créancier de l'obligation, mais de circonstances objectives susceptibles d'être contrôlées judiciairement ». Elle conclut que Mme B. s'engageait à vendre ses titres en cas de révocation pour juste motif. « N'étant pas au seul pouvoir de la société H., la condition litigieuse tenant à la révocation de Mme B., ne pouvait entraîner la nullité de l'obligation ».
 
Pour aller plus loin, voir Le Lamy droit du contrat, n° 715.
Source : Actualités du droit