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Décès de l’emprunteur immobilier : clause de déchéance du terme et prescription

Civil - Contrat
27/10/2021
Le capital restant dû n’est pas exigible du fait du décès de l’emprunteur. Il le sera par la seule déchéance du terme. Et l’action en paiement se prescrira à compter de la date de mise en œuvre de cette déchéance par le prêteur.
Rappelons qu’en cas d'impayé d’échéances d’un prêt immobilier, le prêteur a deux ans pour agir contre l'emprunteur. Le point de départ de ce délai diffère selon qu’il veut recouvrer des échéances impayées ou le capital restant dû. La Cour de cassation vient rappeler ce principe dans le cas particulier du décès de l’emprunteur.

Une banque consent par acte authentique du 31 octobre 2006 deux prêts immobiliers. L'emprunteur décède le 7 mai 2015 et son assureur prend en charge une partie du solde des prêts. Suivant courriers recommandés du 5 décembre 2017, la banque prononce la déchéance du terme des deux prêts et met en demeure ses héritiers de régler la somme restant dûe avant de leur faire délivrer un commandement de payer aux fins de saisie-vente le 19 janvier 2018. Devant le juge de l'exécution, les héritiers voient juger prescrite l'action de la banque et obtiennent la mainlevée de la mesure de saisie.

La cour d’appel confirme cette décision. Elle retient que le décès de l'emprunteur constitue l'événement qui a rendu la créance exigible, que le point de départ du délai de prescription est fixé à la date à laquelle le prêteur a connaissance de l'identité des héritiers de l'emprunteur et qu'il résulte de la lettre du 2 décembre 2015 qu'à cette date, l'identité et l'adresse des héritiers étaient connues de la banque, de sorte que, le 19 janvier 2018, date du commandement, la créance était prescrite.

La banque se pourvoit en cassation. Pour démontrer que son action n’est pas prescrite, elle invoque l’application des articles L. 218-2 du Code de la consommation, 2224 et 2234 du Code civil et leur violation par les juges du fond.

L’arrêt est cassé au visa de ces textes. La Cour de cassation rappelle qu’il en résulte « qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité, y compris en cas de décès de l'emprunteur. »
Elle conclut que « Seule la déchéance du terme avait rendu exigible la créance au titre du capital restant dû, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Dans cette affaire, la clause « Déchéance du terme » du contrat de prêt prévoyait classiquement : « Exigibilité du présent crédit. Le prêt deviendra de plein droit immédiatement exigible si bon semble au Prêteur, en capital, intérêts et accessoires par la seule survenance de l'un quelconque des évènements ci-après et sans qu'il soit besoin d'aucune formalité judiciaire ; En cas de décès de l'une des personnes désignées sous le terme « l'Emprunteur », à moins que son conjoint ou ses héritiers directs ou l'un ou plusieurs d'entre eux ne consentent avec l'accord du Prêteur à continuer le présent crédit dans les mêmes conditions, sauf l'effet éventuel de l'assurance -décès ci-avant visée. En cas de survenance de l'un des cas de déchéance du terme ci-dessus visés, le Prêteur pourra se prévaloir de l'exigibilité immédiate de la totalité de sa créance, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l'emprunteur. »
 
Pour aller plus loin, voir Le Lamy Droit du contrat, n° 2995.
Source : Actualités du droit