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Covid-19 et IVG médicamenteuse : les délais prolongés

Civil - Personnes et famille/patrimoine
Public - Santé
15/04/2020
Face à la crise du coronavirus et l’engorgement du système hospitalier, un arrêté adaptant les modalités pratiques de réalisation d’une interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse a été publié le 15 avril 2020. 
Le système de santé s’organise et s’adapte pour faire face à l’épidémie de Covid-19 (v. Covid-19 et système de santé : on fait le point, Actualités du droit, 3 avr. 2020) : télésanté, réquisition, traitement… Les associations, à l’instar du planning familial, demandaient également un accès à une interruption volontaire de grossesse (IVG) plus facile et un allongement des délais.
 
Le 3 avril le Gouvernement a publié un communiqué informant de sa mobilisation pour maintenir les droits des femmes en matière d’IVG médicamenteuses, annonçant :
- que les consultations nécessaires aux IVG médicamenteuses pourront se réaliser par téléconsultation ;
- la saisine en urgence de la Haute autorité de la santé pour élaborer rapidement des recommandations pour la réalisation de l’IVG par voie médicamenteuse hors établissements de santé aux huitièmes et neuvièmes semaines d’aménorrhée ;
- l’encouragement des médecins en ville et des sages-femmes libérales à s’engager dans le maintien des IVG médicamenteuses et la continuité des établissements de santé pour les IVG instrumentales.
 
La réponse de la Haute autorité de Santé a, quant à elle, été publiée le 10 avril. Elle y souligne qu’ « il est impératif dans la situation épidémique actuelle de garantir une réponse aux demandes d’IVG, dans des conditions ne conduisant pas à dépasser les délais légaux d’IVG, tout en limitant les expositions des patientes et des professionnels au COVID-19, et en ménageant les ressources des établissements de santé ».
 
Objectif : adapter les modalités pratiques de réalisation d’une IVG
Le 15 avril 2020, un arrêté apportant des éléments concernant les mesures relatives à l’IVG a été publié au Journal officiel (Arr. 14 avr. 2020, NOR : SSAZ2009592A, JO 15 avr.). Eu égard à la situation sanitaire, la délivrance de médicaments est facilitée et les délais rallongés.
 
Le ministère de la Santé part d’un constat : les établissements de santé sont mobilisés dans la gestion de la crise et les consultations en milieu hospitalier doivent être limitées. Ainsi, il est nécessaire d’adapter les modalités pratiques de réalisation d’une IVG par voie médicamenteuse en dehors d’un établissement de santé par les médecins et les sages-femmes. La télémédecine permet d’ailleurs d’assurer « une prise en charge médicale à domicile pour les femmes qui souhaitent avoir recours à l'interruption volontaire de grossesse et de protéger les professionnels de santé de l'infection ainsi que les autres patients qu'ils prennent en charge ».
 
L’IVG médicamenteuse à domicile
L’arrêté prévoit alors, à titre dérogatoire et eu égard à la situation sanitaire, que « la première prise des médicaments nécessaires à la réalisation d'une interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse peut être effectuée dans le cadre d'une téléconsultation avec le médecin ou la sage-femme, sous réserve du consentement libre et éclairé de la femme et, au vu de l'état de santé de celle-ci, de l'accord du professionnel de santé ».
 
Après avoir transmis les informations et documents et recueilli le consentement de l’intéressée, le médecin ou la sage-femme pourra prescrire les médicaments nécessaires à la réalisation d’une IVG par voie médicamenteuse. Deux conditions : si son état de santé le permet et sous réserve de son accord.
 
La pharmacie désignée par la femme recevra une copie de la prescription par le médecin ou la sage-femme « en recourant à des outils numériques respectant la politique générale de sécurité des systèmes d'information en santé et la réglementation relative à l'hébergement des données de santé ou à tout autre outil numérique ». La pharmacie d’officine pourra ensuite délivrer directement à le personne concernée les spécialités pharmaceutiques indiquées, dans un conditionnement adapté à une prise individuelle figurant dans l’annexe de l’arrêté prévoyant le tableau des prix des médicaments délivrés pour une IVG par voie médicamenteuse pratiquée avant la sixième semaine de grossesse.
 
Le timbre de la pharmacie, la date de délivrance, les numéros d’enregistrement et la mention « délivrance exceptionnelle » devront être apposés sur l’ordonnance. Le prescripteur devra être informé de la délivrance.
 
L’arrêté prévoit également que « le montant du forfait lié à la délivrance de médicaments à facturer par le médecin ou la sage-femme réalisant l'interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse se compose uniquement du sous-forfait consultation ». Et le pharmacien devra facturer aux organismes d’assurance maladie les spécialités délivrées sur la base du montant du sous-forfait médicaments, auquel devra s’ajouter un montant fixe de 4 euros d’honoraire pour cette dispensation particulière.
 
Pour rappel, l’article R. 2212-17 du Code de la santé publique prévoit en droit commun que c’est au médecin ou à la sage-femme de procéder à la délivrance des médicaments nécessaires à la réalisation d’une IVG. La première prise devant s’effectuer en présence du médecin ou de la sage-femme. L’article précédent dispose que « seuls les médecins, les sages-femmes, les centres de planification ou d'éducation familiale et les centres de santé ayant conclu la convention mentionnée à l'article R. 2212-9 peuvent s'approvisionner en médicaments nécessaires à la réalisation d'une interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse ». Il doit être passé commande à usage professionnel auprès d’une pharmacie d’officine.
 
L’IVG médicamenteuse autorisée jusqu’à 9 semaines à domicile
« Les interruptions volontaires de grossesse pratiquées par voie médicamenteuse par un médecin ou une sage-femme (…) peuvent être réalisées jusqu'à la fin de la septième semaine de grossesse, dans le respect du protocole établi par la Haute Autorité de santé publié sur son site internet » prévoit l’arrêté, soit neuf semaines d’aménorrhée (date des dernières règles).
 
Cette disposition déroge à l’article R. 2212-10 du Code de la santé publique qui prévoit que les IVG sont exclusivement réalisées par voie médicamenteuse jusqu’à la fin de la cinquième semaine de grossesse, soit sept d’aménorrhée. Le délai est alors rallongé de deux semaines. 
 
L’arrêté prévoit alors que dans le cas où l’IVG par voie médicamenteuse est pratiquée à partir de la sixième semaine de grossesse et jusqu’à la fin de la septième :
- les dispositions exceptionnelles prévues par l’arrêté sont applicables, à l’exception de l’annexe objet de renvoi et de la facturation du pharmacien aux organismes d’assurance maladie précité ;
- les spécialités pharmaceutiques à base de mifepristone ou misoprostol peuvent être prescrites en dehors du cadre de leur autorisation de mise sur le marché prévu par l’article L. 5121-8 du Code de la santé publique, « quant au nombre de jours d’aménorrhée, à la posologie et à la voie d’administration » ;
- le pharmacien doit délivrer les spécialités pharmaceutiques indiquées dans l’IVG dans un conditionnement adapté à une prise individuelle mentionné dans l’annexe présentant le tableau des prix des médicaments pour une IVG par voie médicamenteuse pendant ce délai supplémentaire ;
- le pharmacien devra facturer aux organismes d’assurance maladie les spécialités pharmaceutiques sur la base du montant du sous-forfait médicament précisé dans l’annexe en plus d’un montant fixe de 4 euros ;
- lorsque les médicaments nécessaires à l’IVG par voie médicamenteuse sont délivrés à la femme par le médecin ou la sage-femme, le montant du sous-forfait correspond à celui précédemment mentionné.
 
Ces mesures, destinées uniquement à la période d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, sont entrées en vigueur immédiatement (D. n° 2020-424, 14 avr. 2020, JO 15 avr.).
Source : Actualités du droit