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La semaine du droit de la famille

Civil - Personnes et famille/patrimoine
15/06/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit de la famille, la semaine du 8 juin 2020.
Enlèvement international d’enfants – aspects civils – résidence
« Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 29 octobre 2019), du mariage de Mme X..., de nationalité suisse, et de M. Y..., de nationalité grecque, est né C... Y... X..., le [...] à Palaio Faliro (Grèce). Le 4 novembre 2018, Mme X..., accompagnée de son mari, a rejoint la France avec l’enfant afin de se reposer chez ses parents. Soutenant qu’elle refusait de rentrer en Grèce avec C... à l’issue de son séjour, comme convenu initialement, M. Y... l’a assignée, le 26 juin 2019, devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Strasbourg pour voir ordonner le retour immédiat de l’enfant.
 
Vu les articles 3 et 4 de la Convention de La Haye du 5 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, 2, 11), et 11, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2201/ 2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale :
Au sens de ces textes, est illicite tout déplacement ou non-retour d’un enfant fait en violation d’un droit de garde exercé effectivement et attribué à une personne par le droit ou le juge de l’Etat dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle avant son déplacement ou son non-retour.
 
De la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt du 2 avril 2009, A, C-523/07, arrêt du 22 décembre 2010, Mercredi, C-497/10 PPU, arrêt du 9 octobre 2014, C, C-376/14 PPU, arrêt du 8 juin 2017, OL, C-111/17 PPU, arrêt du 28 juin 2018, HR, C-512/17) résultent les éléments ci-après.
En premier lieu, la résidence habituelle de l’enfant, au sens du règlement n° 2201/2003, correspond au lieu où se situe, dans les faits, le centre de sa vie et il appartient la juridiction nationale de déterminer où se situe ce centre sur la base d’un faisceau d’éléments de fait concordants (arrêt précité du 28 juin 2018).
En deuxième lieu, la résidence habituelle doit être interprétée au regard des objectifs du règlement n° 2201/2003, notamment celui ressortant de son considérant 12, selon lequel les règles de compétence qu’il établit sont conçues en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et, en particulier, du critère de proximité (arrêts précités du 2 avril 2009, points 34 et 35, du 22 décembre 2010, points 44 46, et du 8 juin 2017, point 40).
En troisième lieu, lorsque l’enfant est un nourrisson, son environnement est essentiellement familial, déterminé par la personne ou les personnes de référence avec lesquelles il vit, qui le gardent effectivement et prennent soin de lui, et il partage nécessairement l’environnement social et familial de cette personne ou de ces personnes. En conséquence, lorsque, comme dans la présente espèce, un nourrisson est effectivement gardé par sa mère, dans un État membre différent de celui où réside habituellement le père, il convient de prendre en compte notamment, d’une part, la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour de celle-ci sur le territoire du premier État membre, d’autre part, les origines géographiques et familiales de la mère ainsi que les rapports familiaux et sociaux entretenus par celle-ci et l’enfant dans le même État membre (arrêt précité du 8 juin 2017, point 45).
En quatrième lieu, lorsque dans les mêmes circonstances, un nourrisson est effectivement gardé par sa mère, l’intention initialement exprimée par les parents quant au retour de celle-ci accompagnée de l’enfant dans un autre Etat membre, qui était celui de leur résidence habituelle avant la naissance de l’enfant, ne saurait être à elle seule décisive pour déterminer la résidence habituelle de l’enfant, au sens du règlement° 2201/2003, cette intention ne constituant qu’un indice de nature compléter un faisceau d’autres éléments concordants. Cette intention initiale ne saurait être la considération prépondérante, en application d’une règle générale et abstraite selon laquelle la résidence habituelle d’un nourrisson serait nécessairement celle de ses parents (même arrêt, points 47 et 50). De même, le consentement ou l’absence de consentement du père, dans l’exercice de son droit de garde, ce que l’enfant s’établisse en un lieu ne saurait être une considération décisive pour déterminer la résidence habituelle de cet enfant, au sens du règlement n° 2201/2003 (même arrêt, point 54).
 
En l’espèce, pour fixer la résidence habituelle de l’enfant en Grèce, l’arrêt retient que, s’agissant d’un nourrisson, il est nécessaire de prendre en considération la résidence du couple et l’intention commune des parents, et qu’en cas de séjours temporaires l’étranger, un changement de résidence ne peut être pris en considération qu’en cas d’intention ferme, formulée par les deux parents, d’abandonner leur résidence habituelle afin d’en acquérir une nouvelle, peu important le lieu où l’enfant a passé le plus de temps depuis sa naissance. Il relève que M. Y... et Mme X... se sont mariés le 30 juillet 2015 en Grèce où ils résident régulièrement depuis quatre ans et où M. Y... exerce principalement son activité professionnelle, Mme X... ayant mis fin son activité professionnelle pour s’installer en Grèce avec son époux. Il constate que C... est de nationalité grecque et est né en Grèce où il a vécu pendant quatre semaines, le logement ayant été aménagé pour sa naissance, qu’il dispose d’un passeport grec, d’une mutuelle et est enregistré auprès de l’assurance maladie grecque. Il relève encore que les deux parents ont indiqué une adresse commune en Grèce lors de l’établissement de l’acte de naissance de leur fils et que la résidence de la famille est enregistrée auprès de la mairie du Pirée. Il en déduit que la résidence habituelle de M. Y... et Mme X... et, subséquemment, celle de C... est établie en Grèce et que, si le déplacement de l’enfant en France ne présente aucun caractère illicite, les deux parents étant venus ensemble, d’un commun accord, avec l’enfant sur le territoire national, Mme X... ne pouvait décider de modifier unilatéralement la résidence habituelle de l’enfant sans l’accord du père et s’opposer son retour.
 
En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si, au regard du très jeune âge de l’enfant et de la circonstance qu’il était arrivé l’âge d’un mois en France et y avait séjourné de manière ininterrompue depuis lors avec sa mère, son environnement social et familial et, par suite, le centre de sa vie, ne s’y trouvait pas, nonobstant l’intention initiale des parents quant au retour de la mère, accompagnée de l’enfant, en Grèce après son séjour en France, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ».
Cass. 1re civ., 12 juin 2020, n° 19-24.108,P+B+I *
 

* Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 15 juillet 2020. 
 
Source : Actualités du droit